Avec Caroline Costil, continuons la découverte et l’interprétation de trois photographies conservées par les Archives Municipales de Saint-Étienne. Le second cliché déjà présenté confirme la localisation de l’évènement sur la place Jean Jaurès à Saint-Étienne.
- On y aperçoit la silhouette familière de la façade nord de l’Hôtel de ville au pied de laquelle on trouve aujourd’hui le buste du dirigeant socialiste, fondateur de la SFIO en 1905.
- Plus difficile à remarquer à l’arrière-plan à gauche, la devanture du café de la Bourse, nous rappelle que la première Bourse du Travail de Saint-Étienne se trouvait dans la rue Francis Garnier, entre la rue Rouget de l’Isle et la place. De la place alors dénommée “Marengo” on entrait par un portail surmonté de l’inscription “Bourse du Travail” comme le montre la seule photographie connue de ce lieu que l’on peut consulter sur le site des Archives municipales et métropolitaines de Saint-Étienne
- Le bâtiment de la première Bourse du Travail est toujours debout du côté de la rue Rouget de l’Isle. Lorsque les syndicats qui l’occupaient depuis 1888 l’ont quitté en 1906 pour s’installer cours Victor Hugo, un immeuble a été construit dans la cour. Le rez de chaussée longtemps occupé par le magasin Arts Graphiques, et aujourd’hui tenu par un restaurant. L’existence du café de la Bourse mitoyen du bâtiment est attestée en 1901 par les recherches effectuées par Caroline Costil dans les annuaires du commerce.
Une troisième photo va nous permettre d’approfondir la compréhension de l’événement :
On réalise tout de suite qu’elle s’apparente à la première de la série : même premier plan avec les feuillages, les chaises rangées, et même groupe de femmes et d’hommes assis sur la place. Plusieurs personnes, bras levés, brandissent un bandeau en papier. Sur le bord inférieur droit du cliché l’une d’elle est vue partiellement de dos. Par contre le bandeau que l’on entrevoit au centre géométrique de la photographie nous permet de lire le slogan « Non aux camps ». Or un homme debout derrière le manifestant s’apprête à s’emparer de ce bandeau .
Il s’agit clairement d’une manifestation de protestation que des membres des forces de l’ordre en uniforme (bien visibles sur le premier cliché) et des policiers en civil cherchent à contenir voire à interdire.
Les trois clichés que nous avons étudiés appartiennent au fonds Leponce (5 Fi), un fond conservé par les Archives municipales de Saint-Étienne. On peut les consulter sur le site des AMSE sous les côtes 5 Fi 8928, 5 Fi 8930 et 5 Fi 8929. C’est l’ordre que nous avons choisi pour les présenter … mais qui n’est peut-être pas l’ordre chronologique des prises de vues.
Nous retrouvons la méthode très économe en déplacements du photographe, méthode que nous avions analysée dans le livre 1948: les mineurs stéphanois en grève. Des photographies de Léon Leponce à l’Histoire (PUSE, 2011). Leponce a été averti de cette manifestation par un communiqué publié dans La Tribune, quotidien pour lequel il travaille depuis 1956. De plus l’événement se déroule à proximité des locaux du journal aujourd’hui occupés par le cinéma Le Méliès … À l’heure dite Leponce s’est donc installé dans le kiosque à musique de la place Jean Jaurès pour réaliser deux clichés (5 Fi 8929 et 8930) puis est descendu faire le troisième (5 Fi 8928). L’intervention des forces de l’ordre a dû être rapide pour réussir à empêcher un attroupement plus important. 3 clichés et tout était terminé !
La forme de la manifestation – un groupe assis sur la chaussée – est très différente de celles que l’on connaît à Saint-Étienne notamment depuis le premier défilé photographié le 1er 1905 … sur cette même place.
Les motivations des manifestants et des forces de l’ordre doivent maintenant être éclaircies.