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Quand Leponce photographiait le premier « sit-in » à Saint-Étienne (6)

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Nous vous avons présenté trois photographies prises par Leponce depuis le kiosque à musique de la place Jean Jaurès le 28 mai 1960 qui posaient de nombreuses questions. Notre enquête nous a permis de retrouver la date – 28 mai 1960 – l’objet de la manifestation – une protestation contre les camps d’internement de militants indépendantistes algériens – l’originalité de la forme qu’elle a prise – un “sit in” inspiré de l’exemple des actions menées contre la ségrégation par les militants pour les droits civiques aux États-Unis – les caractéristiques des acteurs – surtout des militants syndicalistes chrétiens.

Nous avons vu qu’un certain nombre de ces acteurs ont participé au congrès fondateur du Parti Socialiste Unifié (PSU). Création immédiatement suivie de celle d’une fédération départementale dans la Loire. Le préfet – François Collaveri – insiste dans de nombreux rapports sur le rôle que joue ce nouveau parti dans les mobilisations contre la guerre d’Algérie et contre les violations des libertés fondamentales – en particulier le droit de manifester – par le pouvoir.

Le 21 juin 1960 il écrit au Ministère de l’Intérieur « paradoxalement, compte tenu de sa faiblesse numérique, le PSU a été dans cette circonstance l’un des éléments politiques les plus actifs » pour conclure « dans l’ensemble l’opinion publique est animée d’un vif désir de voir le conflit armé se régler ». On suit donc un état d’esprit en train de changer ce qui conduit le représentant de l’État à faire preuve d’une certaine souplesse dans l’application des directives édictées par son ministre mais aussi à mesurer les nuances, voire la concurrence, qui existent entre les partisans de la paix.

Le 30 juin rendant compte du déroulement de la mobilisation organisée le 28 juin par le collectif des partis de gauche et syndicats pour la paix – le “Carrefour départemental pour la paix en Algérie” il écrit : « Les organisateurs avaient prévu de tenir une réunion à la Bourse du Travail à 18h30, après quoi ils avaient l’intention de former un cortège qui se serait dirigé vers la Préfecture. Ces manifestations tombant sous le coup de l’interdiction n’ont pas eu lieu, M le Maire de Saint-Étienne [Alexandre de Fraissinette], au vu des arrêtés pris par moi avait rapporté la location qu’il avait consentie aux organisateurs »

« Il semble que la raison de cette attitude ait été la crainte éprouvée par certains responsables CFTC de voir le PC et la CGT retirer tout le prestige d’une campagne dont ils n’étaient pas les initiateurs. J’ai préféré ne pas interdire l’accès de la place de la Bourse, ce qui eut présenté le risque grave de voir des manifestants se grouper spontanément en plusieurs points et converger vers le centre de la ville sans que le service d’ordre dont je disposais puisse prévenir les mouvements de foule ».

Une opinion publique de plus en plus sensible à la question algérienne puisque le préfet évalue le nombre des manifestants à plusieurs centaines, loin de la quarantaine aperçue le 28 mai.

 

 

Toujours à l’affût, non sans une certaine malice, tournant le dos à la manifestation pour se retrouver face à la Préfecture, Leponce avait pris ce même jour une quatrième photographie. Elle montre de nombreux scooters stationnés sur cette portion de la place, image du changement qui est en cours dans les habitudes des Stéphanois comme de tous les Français : l’entrée dans une société de consommation.

Un an plus tard, le 18 juillet 1961, La Tribune publiait un article intitulé « Univers concentrationnaire en France ? », qui relatait la visite du camp du Larzac par quatre anciens résistants de la Loire dont trois femmes – Violette BOQUIN plus connue sous le nom de Violette MAURICE, Angèle MOUGEOT, Dora RIVIÈRE – et le pasteur Jean LASSERRE.

 

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